mardi 28 octobre 2008

l'autre trait

Repasser la plume dans la boucle, l’enclume dans la bouche, sur nos langues le poids des encriers emplis
gonflés, cabossés, pesant de toutes ces ancres débarquées.
L’amer sous la Lune.

Je te pleure, un peu. Au souvenir, tu rames, et sors de Seine. Virgule claire, le ciel crevé et sombre ouvre une parenthèse…

Un trait, noir.

Je dessine. Une moustache au final, fine, relevée d’épices, un manque de gout me direz vous, pour une fille ce n’est pas correct.
Les mots ce soir sont cette barbe, je les aime sur vous mes petits hommes, je les aime épais sur les pages, drus et doux à la fois.
Les mots confus étouffent ma gorge.

Un trait, gris.

samedi 19 avril 2008

des rivages des rayures

pile.

face à l'écran.
cristal. installe les cris stupeur vague hébétude.
n'ai plus que terre.

petite musique des mondes jadis.
et le regard rivé, globes d'écume plein
sur cette surface là.

Pas une vue, pas une fenêtre,
mais une mince couche qui sépare,
une paroi que l'on effleure
qui coupe la sphère en deux,
comme se croque la pomme.

est-ce poire? dans cet arbre dans cet arbre

Rester envie.
Pour ne pas se consumer
avant décembre et les grands froids.

De l'autre coté,
du rideau de verre,
il y aurait eu vos visages en miettes,
à grignoter sur le pouce.

mercredi 16 avril 2008

La tache

On a beau les prendre, les mots. On a beau les secouer, les découper, les mordre. Rien n’y fait. C’est pas la phrase qui fait le voyage.

Les mots restent plats. Vertical. Ça s’élongue, ça coule. Sur le même plan, cette horizontalité désespérante : on peut essayer de s’y glisser, en catimini, de passer, un bras, une jambe. Juste, pour voir.

On ne décolle pas. Il faudrait de la matière, des mots terreux, poudrés, gluants, mousseux. Qu’on les saisisse à pleines mains, qu’on s’en barbouille la figure. Les porter comme un grand châle, comme de la crème, s’en tartiner, le cou, la bouche, les tempes. En avoir tout autour, et même en soi, dans les narines, les puits respiratoires, les pensées, les veines, le nombril. Que ça nous englobe, jusqu’à la suffocation, une suffocation agréable, surprenante.

Au fil de l'eau


J'ai mis le voyage dans une bulle.
De verre.
Rien de plus qu'une pyramide coulée,
le souvenir submerge et flotte,
disperse en dessous ses lueurs estivales.

Derrière, le fil un peu flou,
qui rattache au prosaïque monde,

les écrans affichent toujours les images
d'un exil doré, vagabondage léger.

Je voudrais ce soir la courbe des collines
au dessus de la ville qui s'endort,
quand son coeur s'enchante,
et que les voix s'élèvent encore.

samedi 12 avril 2008

Ruelle


Bientôt le jour sera là... L’aube déjà jette sa poudre d’or sur les terres nouvelles. Fascinée, Sahbâ ne détache pas un instant ses yeux de ce mont de merveilles, qui quitte le sommeil noir pour des splendeurs que rien ne saurait égaler.

Des gris pavés faire l’écueil du sublime, c’était la métamorphose inattendue des rues en plages scintillantes, où les flaques devenaient des marées de lumière, laissant miroiter les trésors célestes du jour naissant dans leurs limpides surfaces.

Plus rien de sombre, tout devenait parure dorée, à chacun de ses pas maladroits, Sahbâ découvrait un autre pan de ce monde neuf, portant à l’horizon du regard la promesse des soleils les plus éclatants.

Images éphémères que ces rues précieuses, elles avaient la beauté diaphane des feuilles mortes, au moment où elles se détachent de l’arbre pour virevolter en un ballet léger vers le sol, où bientôt elles seraient piétinées, arrachées. C’était le fragile présent du monde, la couleur amarante des choses, juste avant qu’elles ne reprennent le ton simple de l’habitude.

Au loin, les montagnes grimpaient vers le ciel rose, comme des ombres, entremêlées de fils de brumes, de nuages de coton qui venaient napper les sommets arrondis de leur douceur pâle.

mardi 8 avril 2008

Piété


Au pied de la lettre j'ai pris tes mots
il me fallait partir
pieds et poings liés
par les steppes étendues
sans landes, deux mains qui me serraient hier,
sont loin, lourdes.
Marcher encore, nus pieds.
Pénitence sans présence réelle
transsubstantiation au pied du mur
je le griffe maintes fois
j'ai un pied dans l'outre tombe
et l'autre par dessus l'Atlantique.

dimanche 6 avril 2008

Versant d'ombre



Il aurait suivi la ligne de son cou,
appris par coeur le chemin,
la courbe fuyante,
et aimé poser ses paumes sur cet espace nu.

La montagne désertée, les arbres penchent et les sommets accrochent un peu les nuages sans valise,
qui courent en apesanteur,
vers des horizons plus limpide.

Elle, immobile,
son grain de peau
où se dépose l'embrun céleste d'un air charmant,
parfum d'elle :
il aurait appris ces notes là,
aurait baisé cent fois
ses petites menottes.

La montagne déserte,
solitude sous les pins.

Il aurait suivi la ligne claire
de son cou levé,
si elle était venue,
ce soir.